Ce site personnel, construit pour le simple plaisir d'apprendre, sera utile aux amoureux d'aujourd hui et de demain de la Sardaigne, cette île centrale de la Méditerranée, berceau de tant de grandes civilisations. Je le dédie à tous les passionnés des livres que l'on referme avec plus de questions que de réponses, enfin il peut intéresser ceux qui comme moi essaient de pratiquer la libre pensée sans aucune limite fixée par d'autres qu'ils s'appellent parti, famille, religion ou patrie, avec comme seule contrainte, le respect de l'autre et de sa différence.

... ils se souviennent, au mois de mai, d'un sang rouge et noir, d'une révolution manquée qui faillit renverser l'histoire. Je me souviens surtout de ces moutons effrayés par la liberté s'en allant voter par millions pour l'ordre et la sécurité ...

Le voyage 2008 du cercle sarde - Ogliastra

La date de Pâques, décidément bien variable – selon certaines sources, Berlusconi va réformer la date du dimanche de Pâques – , nous a conduit en Sardaigne fin mars. C’était une excellente date pour tromper les grenouilles, le soleil était de la partie. L' Ogliastra est une des provinces les moins touristiques de l’île : les pieds dans l'eau, la montagne dans le dos. Nous avons visité un peu, nous avons mangé beaucoup.

Six jours de bonheur.

1. de Porto Torres vers Santa Maria Navarrese, avec une halte à Nuoro, cœur de la Barbagia, cœur de la Sardaigne authentique. Un arrêt pour y visiter le musée de la vie locale et de l’artisanat. Grazia Deledda est née à Nuoro, Nugoro en sarde. Autodidacte, elle n'a pas terminé l'école primaire. Fidèle à son personnage, elle a reçu le Prix Nobel de littérature en 1926 sans un sourire. Dans ses livres, qui pour la plupart se déroulent dans la partie la plus profonde de la Sardaigne ( la Barbagia ), on retrouve la description d'un monde agropastoral qui est gouverné par une loi antique et non écrite appelée balentia. Le roman le plus populaire, de Grazia Deledda, est ‘ Canne al vento ‘ où la vie des hommes est comparée à des roseaux qui se plient au vent sans jamais se briser.
Notre lieu de villégiature est Santa Maria Navarrese, une petite station balnéaire sarde. On est loin des aéroports, des autoroutes, c’est-à-dire loin des touristes allemands, anglais ou italiens. En Sardaigne, un italien est aussi étranger qu’un belge. Mais comme chacun le sait, l’homme est toujours un étranger quelque part.
L’hôtel MEDITERRANEO, www.albergomediterraneo.it/, est situé sur la plage. Une excellente base, toutefois en l’absence d’ascenseur les ‘ essoufflés ‘ ont failli y rester. Mais Carlo avait tout prévu, le bus était tellement grand qu’on aurait pu ramener sans problème ' un baule ‘ un cercueil sarde. Heureusement, on en est sorti un peu lourd mais en bonne santé. Jean-Marie a donc pu charger ses provisions annuelles dans le car.
Une vue superbe sur le golfe d’Arbatax, surtout pour ceux qui ont bénéficié des chambres avec vue mer. Dommage pour les autres. Le Président devrait faire payer un supplément pour la vue mer, mais ce n’est pas un homme d’affaires.

2. Lido di Orri, une superbe plage à cinq km d’Arbatax. La journée était maussade, Jérôme ne s’est pas baigné. Encore une bonne raison pour revenir prochainement en Sardaigne. Arbatax, et ses rochers de porphyre rose. Les courses commencent à Tortoli la ville voisine ! Angela en profite pour se faire offrir quelques paires de chaussures, Giovanna, quant à elle, fait campagne électorale pour un lointain cousin – Battista Corda, candidat aux élections italiennes du dimanche suivant. Quittons la politique, ce n’est vraiment pas ce qu’il y a de plus gai en Italie en ce moment. L’après-midi, visite des caves de Jerzu, une coopérative sociale qui réunit quelques centaines de viticulteurs de la région, une visite très intéressante au début. Notre ami Jean-Marie vérifie alors les connaissances du jeune et sympathique viticulteur qui nous a accueilli. Résultat, pas de dégustation finale. Merci, Jean-Marie.
D’aucuns se sont rabattus sur les chocolats, ils étaient périmés … les chocolats.
Il faut dire que venir de Belgique pour acheter – sous la pluie – des chocolats dans une fabrique de vin sarde, il faut le faire.

3. la montagne d’Urzulei. Farid nous a porté le plus haut possible. On a terminé le trajet en 4 x 4, c’était super. Marche forcée dans la brume et le silence, c’est là que Flora a tenté une fugue. Heureusement Maria Rosa veillait au grain. Etonnante ‘ chauffeuse ‘ de notre 4 x 4, née à Compiègne bien après le 11 novembre 1918, mariée à un berger sarde sans doute par amour de la nature, de la Sardaigne et du berger, on l'espère ? Un autre couple est inséparable : un jeune mouflon et une guide nature. Ils ne se quittent pas, lequel des deux est le plus attaché à l’autre ? Ensuite, Urzulei, la cantine communale pour enfin casser la croûte à la sarde : antipasti + culurgiones + carne di maiale + carne di capra + formaggio + dolce sarde + abba ardente ou ‘ fil de fer’, Jules y tient beaucoup, + mirto, + vino bianco, + vino rosso. Résultat : Monique est au bord du K.O. La lumière est de retour. Le soleil n’émerge-t-il pas toujours de la brume la plus profonde ? On est revenu juste à temps pour passer à table. Ouf, c’était léger. Et pourtant Maria, la Présidente, est fâchée, trop léger, on a payé pour manger beaucoup plus ! L’an prochain je propose de manger en deux équipes : les hommes le midi, les femmes le soir.

4. le supramonte de Baunei. Farid est au repos. Les 4 x 4 nous prennent à l’hôtel, direction le village de Baunei. Un village typique situé sur la route principale ‘ l'orientale sarda ‘, visite d’une bijouterie, malheureusement pourvue d’un terminal bancaire. Le temps d‘embarquer Giovanni, 92 ans, mineur, résidant à Baunei après 37 années de charbonnage à Péronnes-les-Binche ! Comme quoi, contrairement à une idée bien établie chez nous, le travail peut aussi conserver. Giovanni grimpe dans le 4 x 4 avec caméra et appareil photo. Il tient à se constituer quelques souvenirs pour le temps encore lointain où il sera vieux.

On roule dans des rivières de cailloux plus blancs que blancs, avant d'atteindre cet oasis de sérénité que constitue le Supramonte de Baunei. Sur ce haut plateau, nos repas futurs courent en pleine liberté. Et dire que la semaine prochaine, j’irai au Colruyt acheter de la viande ‘ industrielle ‘. Tout en haut, une église, encore une. Elle sert peu. Un pèlerinage annuel suivi d’un repas gargantuesque. En Sardaigne le païen n’est jamais loin du sacré. Et crac, deuxième repas de mariage sarde. A vos kilos ! Retour à l’hôtel pour un repas léger. L’hôtel n’a jamais vu des gens en apparence ‘ bien portants ‘ manger aussi peu.

5. la montagne d’Ulassai. Farid nous conduit aux grottes Su Marmuri. Pour nous distraire un peu, il emmène son bus à travers le village d’Ulassai. Qu’est ce qu’on ne ferait pas pour mériter une dringuelle. Mais, la tranquillité n’a pas de prix c’est bien connu. Les grottes sont là, deux cent marches à franchir, les ‘ essoufflés ‘ resteront au soleil et au bar. Les environs de la grotte sont bien intéressants : le musée Maria Lai avec sur les murs d'enceinte, écrites à même le béton des pensées de Salvatore Cambosu et de Maria Lai.
On redescend, on remonte, on est prêt pour le troisième repas de mariage, dans la cabane du berger. Ah, quel fromage frais, quel panorama, quelle tranquillité, OUF... les GSM ne fonctionnent plus. Le retour à l’hôtel fût un peu plus long que prévu. Farid devrait se payer un GPS car Bibiana n’est pas exceptionnelle dans le rôle du GPS. Le soir, Giovanna, recevra de la visite, une cousine. Décidément, elle en a partout.

6. départ vers Orgosolo et le bâteau. Orgosolo, le village mythique de la Barbagia. Tant de luttes, tant de banditisme, tant de fraternité, tant de souffrances, tant de silence, tant de Sardaigne. Terre du célèbre Graziano Mesina, un bandit pour les uns, un héros malheureux pour les autres. Mesina à Orgosolo, c’est comme un dogme, on n’y adhère, ou on n'y adhère pas, il n’y a rien d’autre à dire. Visite du village, véritable musée de la peinture murale 'sos murales', la critique est partout, tout le monde y passe : les américains, les socialistes, les prêtres, l’ultra libéralisme, … mais les artistes d’Orgosolo sont toujours du côté des humbles, des vaillants. J’en ai retenu une maxime : « un peuple heureux n’a pas besoin de héros « , signé Gino Strada, une sorte d’anarchiste-humaniste-gauchiste italien. Bertold Brecht avait déjà dit la même chose. Visite du musée de l’environnement, de la bibliothèque communale et de la salle de projection, des réalisations à faire pâlir les autorités communales embarquées dans ce voyage. Il était temps : quatrième repas de mariage sur les hauteurs d’Orgosolo. Le fil de fer va couler, n’est-ce pas Jules ?
Finalement, on a dû reprendre l’autocar. Sans nous demander notre avis, le Président nous ramène au port.
Le cœur n’y est déjà plus. Il y a dans l’air l’amertume de ces jours de fête quand on ferme la porte derrière le dernier convive. Tous très courageux, on sentait déjà le vent du lundi matin.
Le voyage s'achève.

Et voilà venu le temps du ‘ braimstorming ‘. 785 euros, c’est cher ou c’est pas cher ? C’est selon. La bouteille est toujours à moitié vide ou à moitié pleine. Moi : j’y mets la découverte d'une nature intacte aux senteurs multiples, sacré Erminio ! j’y mets ces saveurs gastronomiques appartenant à d’autres temps ou simplement à d’autres gens, j’y mets cette fraternité qui lie le temps d’un voyage trente personnes différentes, j’y mets le soucis du Président et de la Présidente de nous faire aimer leur pays. Terre natale de combien de nos amis en Belgique : Antonio Marredda, Antonio Cossu, Luciano Pisanu, Mario Soddu, et tant d’autres. Enfin, le car est fatigant à l’aller et très pénible au retour. A l’avenir, il faudra prévoir des options, par exemple : garder la formule actuelle du car au départ d’Hornu, mais prévoir une halte dans un aéroport sarde – Olbia, Alghero ou Cagliari – pour y déposer ceux d’entre nous qui, l’âge venant et le moral dans les talons, ne pourront plus supporter le voyage retour.

Encore, merci aux sardes du cercle d'Hornu.